…et son point de vue sur la famille japonaise.
Au Japon, on ne loue pas seulement sa robe de mariée… On loue aussi son prêtre ! Ary la fourmi, lors d’une réunion de français à Kyoto, a rencontré un homme dont la société de location de prêtres marche plutôt pas mal. A travers son discours, il nous offre également une esquisse de la famille japonaise actuelle.
Ary : Bonjour Frédéric ! Parle-nous un peu de ce tu fais à Kyoto.
Frédéric : Voilà 3 ans que je suis installé dans le Kansai. Avant ça j’ai pas mal voyagé, notamment en Nouvelle Calédonie et en Indonésie.
A Kyoto, je m’occupe d’une société de location de prêtres ! Moi-même, il m’arrive d’officier de temps en temps. Les japonais font beaucoup appel à ce genre de service pour leur mariage. En effet, les cérémonies à l’occidentale, dans une église, avec un prêtre et une jolie robe blanche pour la mariée, les attirent beaucoup _surtout les femmes.
Ary : De quelle confession sont « les prêtres en location » ?
Frédéric : De celle que tu veux… Surtout chrétienne. Plutôt à tendance protestante, anglicane notamment. En fait, les Japonais ne se soucient pas vraiment de la confession du prêtre qu’ils louent. Tant qu’il s’agit d’un prêtre occidental, le reste n’a pas d’importance. Il existe même des « faux » prêtres et personne n’y voit à redire. C’est plutôt pour le paraître. Pour le « show » et la beauté de la cérémonie… Ca n’a rien à voir avec Dieu.
Ary : Les Japonais qui réclament tes services ne sont donc pas chrétiens, n’est-ce pas ?
Frédéric : Tu sais Ary, la grande majorité des Japonais ne sont pas des croyants au sens où on l’entend. En fait, ils pratiquent des rituels religieux assez souvent, mais n’hésitent pas à mélanger plusieurs confessions et ne croient pas à une religion en particulier. On dit souvent que les Japonais naissent shintoïstes, se marient chrétiens et meurent bouddhistes. En effet, les nouveaux nés sont présentés dans un temple shintoïste à la Divinité locale pour obtenir sa protection. Les mariages sont souvent célébrés à l’occidentale dans une église ou une chapelle aménagée dans un hôtel. Et les funérailles se déroulent selon les rites bouddhistes. Évidemment, il existe des exceptions.
Ary : Comment les Japonais conçoivent-ils le mariage ?
Frédéric : En France, on se marie parce qu’on s’aime, et puis c’est tout. Certains ne se marient même pas et ce n’est pas un problème. On le vit très bien, ce n’est pas une obligation.
A l’inverse, dans un couple japonais, on commence normalement à parler mariage après un an de relation. Il existe ici une vraie pression sociale (de la part de ses pairs, de sa famille…) qui pousse les couples à officialiser leur union assez rapidement. Le mariage leur offre un statut, c’est un gage de sérieux. Et il est absolument hors de question d’avoir un enfant hors mariage, c’est considéré comme un déshonneur.
Oh mais qui voilààààà ??
Quand une femme tombe enceinte et décide de garder l’enfant, le partenaire se voit obligé de l’épouser pour sauver l’honneur. On appelle ça un « dekichatta kekkon » (un mariage précipité, célébré à la suite d’une grossesse non prévue)
Ary : Et dans les couples mixtes, comment ça se passe ?
Frédéric : C’est un peu la même chose, mais en beaucoup plus compliqué. En effet, les français(e)s ne sont pas préparés à la manière dont les japonais conçoivent le mariage.
Déjà, il faut savoir qu’au Japon, le mariage est pensé comme un plan de carrière. Lorsqu’on le prépare, on dresse également une sorte de plan d’action pour la suite des événements : après tant de mois ou d’années, on aura notre première enfant. On déménagera à tel endroit, à tant de kilomètres de mes parents, à telle distance des tiens… On s’organisera comme ci, comme ça, etc…
Au contraire, nous les français, nous imaginons le mariage avec beaucoup plus de romantisme. Ce n’est pas toujours facile de comprendre l’autre, et de faire les concessions nécessaires pour satisfaire les deux partis (et les familles de chaque partenaire !).
Ary : On dirait que l’amour occupe assez peu de place dans un mariage japonais…
Frédéric : Dans la plupart des couples purement japonais, le sentiment amoureux ne survit pas au mariage. L’arrivée du premier enfant n’arrange rien. Déjà, la jeune mère reste dans la maison de ses parents avec le bébé les 3 premiers mois suivant la naissance, laissant peu d’occasions au père de profiter de sa progéniture. Ensuite, l’enfant dort dans le lit de ses parents jusqu’à un âge assez avancé.
Souvent, le père finit par dormir séparément, notamment en raison de ses horaires de travail beaucoup trop nombreuses. Progressivement, il se retrouve mis à l’écart du noyau fusionnel que forment la mère et son enfant. En sachant que la mère japonaise est souvent femme au foyer, il n’est pas rare que le père se transforme en simple « porte-monnaie » de la famille. Chaque parent a son rôle à jouer, l’amour n’a plus sa place. Récemment, j’ai d’ailleurs lu un article qui prétendait donner une solution pour raviver l’amour dans un couple japonais. Et la réponse qu’il donnait était tellement évidente…
Ary : Quelle était cette solution miracle ?
L’article conseillait simplement aux deux partenaires d’un couple… d’appeler à nouveau sa moitié par son prénom. Et non plus « okaasan » ou « otoosan » (maman, papa), les surnoms qu’ils utilisent dès la naissance de leur premier enfant. C’est bête, n’est-ce pas ? Et pourtant si simple…
J’espère que les nouvelles générations laisseront un peu plus de place à l’amour dans leur couple que leurs parents. C’est tout ce que je leur souhaite. C’est en train de changer progressivement, et la société japonaise réfléchit à une meilleure répartition des rôles entre parents… Mais il faudra encore beaucoup de temps avant d’observer une évolution réelle.
Chez nous les fourmis, on ne s’encombre pas avec des cérémonies de mariage. De toute façon, avec autant de femelles pour si peu de mâles, ça deviendrait vite compliqué, je pense.
C’est un article tres interessant. Ce que Frederic dit est veridique. Pour notre mariage nous avons fait une ceremonie chretienne dans la petite chapelle d’un resto francais. Le pretre etait anglophone et encore maintenant je ne cesse de me demander si c’etait un vrai pretre ou un « acteur ». La vision du couple par les Japonais est si triste, sont-ils vraiment heureux comme ca ? Certains peu etre. Des que j’ai su que j’etais enceinte j’ai dis a mon mari que je voulais que nous continuions a nous appeler par nos prenoms, je voulais absolument pas que nous nous s’appellions mutuellement « okaasan » et « otousan ».
Je crois que tu ne le sauras jamais pour le prêtre, si c’était un vrai ou un « acteur » 🙂 Quant aux couples japonais en général, je ne sais pas s’ils sont vraiment heureux ou pas. En fait, le mariage ressemble tellement à un contrat de travail au Japon, que les questions relatives au « bonheur ou à l’amour » sont mises de côté.
J’espère en tout cas qu’avec ton mari, vous avez réussi à dépasser tout ça, et à obtenir quelque chose d’harmonieux 🙂 Ca m’intéresserait d’en savoir plus d’ailleurs !
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